Corse Net Infos – 4/09/2014 – Taglio-Isolaccio : Le casse-tête des rythmes scolaires des petites communes rurales
Article de Corse net Info du 04/09/2014
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La commune de Taglio-Isolaccio, en Haute-Corse, était défavorable à la réforme des rythmes scolaires, estimant qu’elle n’avait pas les moyens humains et financiers de l’appliquer. Son nouveau maire, Marie-Thérèse Mariotti, continue de dénoncer son absurdité. Elle a décidé de l’appliquer à minima, avec les moyens du bord, pour ne pas pénaliser les parents qui travaillent. Ses explications, pour Corse Net Infos, croisées avec celles de Pascale Rongiconi, la Directrice de l’école.
L’école primaire et maternelle de Taglio-Isolaccio.
L’école primaire et maternelle de Taglio-Isolaccio.– Comment s’est passée cette nouvelle rentrée scolaire ?
– P. Rongiconi : Le personnel municipal et les enseignants étaient sur le pont depuis plusieurs jours. Nous sommes heureux de constater que tout s’est déroulé dans la joie et la bonne humeur. Les enfants étaient contents de reprendre. Il n’y a pas eu de pleurs, même chez les tout petits !- Combien d’enfants accueillez-vous cette année ?
– P. Rongiconi :L’effectif est stable depuis quelques années. L’école accueille, pour cette rentrée, 136 enfants répartis en 6 classes dont 2 en maternelle et 4 en primaire. Le personnel est composé de 6 enseignants et de 2 assistantes maternelles.
– M.-T.Mariotti : La moitié des enfants vient de la commune voisine de Talasani avec laquelle nous avons une convention de partenariat. Nous assumons, cependant, seuls, la gestion et la responsabilité du groupe scolaire.– En tant que nouveau maire, comment vivez-vous votre 1ère rentrée ?
– M.-T.Mariotti : Stressée, mais satisfaite du travail effectué tant sur la rénovation des locaux que sur les changements dans le règlement de la cantine et de la garderie du soir. La mise en place de la réforme des rythmes scolaires a été LE facteur d’inquiétude, mais j’espère qu’après une période de rodage, chacun trouvera ses marques. La gestion de l’après-midi avec l’enchainement des cours jusqu’à 15h30, des activités périscolaires jusqu’à 16h15 et la garderie dans la foulée a été un défi que nous avons relevé. C’est un vrai casse-tête que le gouvernement nous a offert.– Vous parlez de rénovation. Avez-vous entrepris des aménagements ou des travaux de rénovation des locaux pour cette rentrée ?
– M.T.Mariotti : Oui, beaucoup ! La superficie du groupe scolaire est de 1200 m², soit une surface très importante. Des investissements conséquents ont été réalisés durant l’été. Peinture des salles de classes, des halls primaires et maternelles, pose de panneaux d’affichage, nouvelles rampes d’accès à la cantine pour sécuriser le déplacement des enfants, nouveau grillage dans la cour des maternelles et ragréage du sol, nouveaux rideaux/pare-soleil, vérification de toute la plomberie … Nous dépassons un budget de 30 000 €. Il reste encore des choses à faire, mais elles seront programmées en phase 2 !– Vous aviez affirmé fortement votre opposition à la réforme des rythmes scolaires. Avez-vous changé d’avis ?
– M.T.Mariotti : Non ! J’ai combattu la réforme et assisté aux réunions avec certains de mes collègues maires et avec des enseignants. Je continue à penser que c’est une aberration ! Le gouvernement est dans un déni de réalité ! Il n’aurait pas dû s’enferrer dans une telle obstination et dans ce parti-pris idéologique. La France a chuté au 25ème rang du dernier classement PISA mondial avec des résultats en mathématiques particulièrement décevants. 20 % des écoliers arrivent en classe de sixième en ne sachant pas correctement lire, écrire et compter… Le système est devenu inégalitaire et l’écart entre élèves performants et faibles augmente. Pensez-vous sincèrement que c’est en rajoutant une 5ème demi-journée de classe le mercredi matin et, dans la plupart des communes, des activités au rabais, très souvent de la garderie, que l’écart va être comblé !- Quelle est la réaction des enseignants ?
– P.Rongiconi : Il faudra s’adapter à de nouveaux rythmes, à une nouvelle organisation du travail qui se mettra en place petit à petit.– Les appliquez-vous finalement ?
– M.T.Mariotti : Oui ! Mais, cette réforme coute très cher à mettre en œuvre et je ne parle pas uniquement d’argent ! Elle a mobilisé, chez nous, une équipe de 9 personnes, un conseiller municipal à plein temps, le personnel administratif de la mairie et moi-même pendant plusieurs semaines. Les arguments, que j’ai déjà eu l’occasion de développer, demeurent inchangés : problème de budget, de tissus associatifs, d’intervenants, d’encadrements municipaux… Sans les CAE (contrats aidés qui assurent le fonctionnement de la cantine et de la garderie), nous aurions été contraints, à l’instar de communes du continent, de mettre les enfants dehors à 15h30. C’est uniquement pour ne pas pénaliser les parents qui travaillent que nous avons mis en place 45 minutes d’activités, les lundis, mardis, jeudis et vendredis. De façon pratique, nous aurions dû organiser 24 activités par semaine et recruter, donc, autant d’intervenants …– Pourquoi ne pas l’avoir fait ?
– M.T.Mariotti : Impossible ! Où les trouver ? Comment les payer ? De quels locaux disposer pour les accueillir ? Taglio-Isolaccio est une commune rurale sans infrastructures sportives et associatives de proximité. Il aurait été impossible pour des raisons logistiques et budgétaires de déplacer les enfants en bus. Et tout ça avec un budget annuel de 7 000 €, alloué dans le cadre du fond d’amorçage !– Comment avez-vous résolu le problème ?
– M.T.Mariotti : Nous avons opté pour deux intervenants extérieurs : un professeur de danse et d’expression corporelle et un intervenant en dessin et histoire de l’art. Ils interviennent, chacun, 2 fois par semaine. Le planning a été difficile à gérer, mais il est cohérent. Nous pouvons, heureusement, compter sur une équipe de bénévoles et un personnel communal que je tiens à remercier pour son dévouement et sa créativité. Sans eux, rien n’aurait été possible ! Nous ajusterons le tir dans le temps, mais, une fois de plus, le gouvernement s’est déchargé sur les collectivités locales. C’était à l’Education nationale d’assurer le programme !Propos recueillis par Nicole MARI